Jérôme Gilloux, un pionnier du VTT électrique
Jérôme Gilloux est un nom bien connu dans le monde du VTT à assistance électrique (VTTAE). Champion du monde à plusieurs reprises et véritable innovateur dans sa discipline, il a transformé le VTTAE, encore jeune, en un sport d’excellence. Grâce à ses performances exceptionnelles, il a contribué à la légitimation de cette discipline. Reconnu pour sa technique impeccable, son intelligence tactique et sa gestion précise de l’assistance électrique, Jérôme est plus qu’un compétiteur, il est le porte-parole d’une révolution dans le monde du cyclisme.
Quand on parle de VTTAE, Jérôme Gilloux est souvent le premier nom qui vient à l’esprit. Avec un palmarès impressionnant, ce champion incarne la réussite du VTTAE, et cela ne semble pas prêt de s’arrêter. Jérôme est bien plus qu’un simple coureur : il est une figure majeure de la scène mondiale du VTTAE. Depuis ses débuts, il a repoussé les limites et redéfini les normes de la discipline. Mais plus que ses titres, c’est le défi qui le motive. Surmonter des pistes techniques et se surpasser dans des conditions extrêmes, voilà ce qui le pousse à repousser sans cesse ses limites. Et même si son palmarès est déjà bien rempli, il ne compte pas s’arrêter là. Jérôme se tourne déjà vers l’avenir, envisageant de se concentrer sur le développement de produits et l’expérience terrain, sans la pression des résultats. Un champion toujours en quête de la prochaine aventure…
Comment avez-vous découvert l’ebike ?
Jérôme Gilloux : C’est grâce à la boutique La Roue Libre, et surtout à Olivier Giordanengo, que tout a commencé. À l’époque, je faisais beaucoup de sorties sur le Mont Chauve, au-dessus de Nice, avec un ami qui avait été repéré par François Dola. Lui, il a rejoint l’équipe de La Roue Libre en électrique… et moi, je me suis retrouvé tout seul avec mon vélo musculaire (rires). Mon ami ne cessait de me dire : « Va voir Oliv’, tu verras, l’ebike, c’est incroyable ! » Au début, j’étais sceptique, je ne voyais pas encore le potentiel. Puis un soir, sur ses conseils, je passe à la boutique. On discute matériel avec Oliv’, et là, il me dit : « Écoute, je ne vais pas te vendre un vélo musculaire, ça ne sert plus à rien ! » (rires) Il m’a proposé de rejoindre l’équipe et m’a prêté un vélo électrique pour une saison. Et c’est comme ça que tout a commencé. Olivier m’a vraiment aidé à démarrer. À l’époque, j’étais prêt à tout, du moment que je pouvais rouler et être dans la nature. Et ça a marché !
Comment la dynamique de groupe et cette opportunité vous ont-elles aidé à faire votre place dans ce sport encore en plein essor ?
Si je suis passé à l’électrique, c’est vraiment grâce à tout le groupe de pilotes de la région, à cette fameuse « mafia du sud » dont on parle ici. C’est ce qui m’a permis de progresser. Personnellement, je n’aurais pas franchi le pas tout seul. Mais dès que j’ai rejoint l’équipe, j’ai tout de suite vu l’opportunité. C’était vraiment au début, il n’y avait pas encore beaucoup de pilotes dans le domaine. C’était le moment idéal pour se faire une place.
Quelle est votre vision de l’enduro électrique en compétition aujourd’hui ?
Au début, j’étais un passionné qui touchait à toutes les disciplines. J’ai même remporté le classement général de la Coupe de France d’enduro quand je roulais pour Moustache. Mais avec le temps, la pratique est devenue de plus en plus professionnelle, tant en XC qu’en Enduro. À un moment donné, je me voyais me consacrer uniquement à l’enduro, car j’en profitais pleinement. Cependant, aujourd’hui, je ne me retrouve plus dans l’enduro électrique en compétition, je n’y vois plus de véritable intérêt. Quand les Enduro World Series ont démarré, j’ai eu la chance de participer au premier test événement électrique, avec beaucoup d’espoir et d’enthousiasme pour l’avenir de l’enduro électrique. Le Covid a retardé le format, mais une fois sorti, c’était vraiment excitant, avec de superbes spéciales…on utilisait jusqu’à trois batteries sur une journée de course ! Mais au fil du temps, les spéciales se sont raccourcies, et les power stages sont devenus des épreuves de 30 secondes sans aucune incidence sur le classement, ce qui, pour moi, n’a plus de sens. Même si c’est mon métier, je ne me vois pas soutenir une discipline qui ne m’intéresse plus. Je préfère participer à des courses intéressantes, même si elles sont plus éloignées, plutôt que de faire une Coupe du Monde juste pour la faire. Finalement, j’ai eu le flair de me tourner vers le XC, qui reste plus stable dans son évolution, tandis que l’enduro électrique traverse une période plus complexe, comme le montre la pause du circuit Coupe du Monde E-Enduro UCI en 2025. De mon côté, je lutte pour faire avancer la discipline. Pour en revenir à l’enduro, le vrai problème, c’est que les organisateurs ont écouté les retours des pilotes, mais chacun voulait quelque chose de différent. Les descendeurs voulaient uniquement des descentes, certains voulaient plus de D+, et d’autres, ceux qui avaient un moteur un peu faiblard, réclamaient des montées seulement pour les liaisons. En fin de compte, c’est devenu un vrai casse-tête.
Est-ce que vous vous considérez comme un moteur de changement dans cette discipline ?
Honnêtement, cela dépend de la personne à qui vous parlez et de l’origine des organisateurs. Ça fait trois ans que je me bats pour faire avancer le circuit de la Coupe du Monde, en proposant toujours les mêmes idées à chaque réunion. Mais, attention spoiler, rien ne change ! À un moment donné, tous les pilotes ont dit « stop », on en a assez de tourner en rond. Et là, enfin, les organisateurs commencent à comprendre qu’il faut faire bouger les choses. Mais honnêtement, ces idées, je les ai proposées il y a plus de trois ans… Le vrai problème, c’est qu’étant le meilleur pilote, donner son avis, c’est un peu risqué, tu vois ? Parce que ça peut être pris comme si je voulais juste défendre mes intérêts personnels. Mais ce n’est pas ça du tout ! Il y a des courses que je n’ai pas gagnées, mais je les prends comme des modèles de ce qu’il faudrait faire. C’est un peu : “Bon, je n’ai pas gagné, mais là, c’était vraiment amusant !” Et puis parfois, tu gagnes, mais la course est tellement ennuyeuse à rouler que ça ne vaut même pas le coup.
Quelle est votre vision de l’avenir de la compétition en VTT électrique ?
Il faut demander aux pilotes ce qu’ils veulent, c’est essentiel. Mais il faut être réaliste : Bruni ne va pas se lancer dans une Coupe du Monde de XC. Ce n’est pas son truc, lui c’est la descente. Il ne va pas se dire : “Je voudrais un peu plus de descentes dans mon XC.” Le problème avec l’électrique, c’est qu’on demande l’avis de trop de gens, et du coup, ça part dans tous les sens, sans direction claire. On essaie de créer une discipline, mais en fait, le vélo, c’est avant tout pluridisciplinaire. Si tu adores la longue distance, va faire un marathon. Si tu veux du XC, va sur une course de XC. Aujourd’hui, il est impossible de rassembler tous les pilotes sur un même format.
Comment envisagez-vous 2025 ?
Mon rôle chez Lapierre va changer, et avec cela, la compétition prendra un peu de recul. Mais mon objectif principal pour septembre 2025 est clair : conserver mon titre de Champion du Monde. J’aime la compétition, mais désormais, je vais choisir les courses qui me plaisent vraiment. Je prends le temps d’établir mon calendrier pour me concentrer sur des épreuves qui me procurent du plaisir, tout en gardant mon objectif principal en ligne de mire.
Allez-vous vous concentrer davantage sur le développement de produits avec Lapierre ?
Je ne peux pas en dire trop pour l’instant, mais je vais certainement être plus impliqué dans les tests et le développement de produits. Restez à l’écoute, ça va être passionnant !
Quel est l’avenir du VTTAE selon vous ?
Cela va dépendre des fabricants de moteurs et de la direction qu’ils vont prendre. Personnellement, je rêve de vélos de plus en plus légers avec une grande autonomie. Au début, on imaginait des batteries de 500 Wh assez légères, faciles à transporter dans le sac à dos, mais on a fini avec des batteries de plus de 4 kg… C’était un peu trop, et maintenant on revient vers des solutions plus simples, avec des batteries démontables et transportables ou des extendeurs. Parce qu’honnêtement, autant prendre une deuxième batterie dans ton coffre et faire deux boucles autour de ta voiture, plutôt que de rouler avec une batterie énorme mais lourde, qui gâche le plaisir de pilotage.
Que pensez-vous de la nouvelle tendance des moteurs légers ?
Je ne peux pas trop m’étendre sur le sujet, car je n’ai pas vraiment eu l’occasion de tester ce type de moteur. Pour moi, ce qui est excitant dans le VTT à assistance électrique, c’est le pilotage. J’adore remonter des chemins techniques, même quand je sais que je vais en baver, car ça me challenge, et j’en prends un plaisir fou. Étant passé par la moto et le trial, j’apprécie avoir un moteur puissant, avec du couple. Si un moteur offre à peine plus de puissance que ce que mes jambes peuvent fournir, ça n’a pas vraiment d’intérêt pour moi. Dans ma pratique, il me faut un moteur qui envoie du lourd.
Comment réussissez-vous à faire la différence et à vous imposer sur le circuit ?
C’est avant tout une question d’expérience. Je suis aux avant-postes depuis le début, j’ai grandi avec ce sport et j’ai une équipe, Lapierre, qui travaille d’arrache-pied pour qu’on soit au top. Lapierre a toujours été engagé à fond dans la compétition. Quand j’ai signé avec eux, l’objectif était de décrocher un maximum de maillots arc-en-ciel. En 2023, on a manqué le coche, mais on a redoublé d’efforts en 2024. Concernant les pneus, j’ai la chance d’avoir le soutien de Michelin. Ils me fournissent le matériel qui me correspond. Tout cela mis bout à bout, c’est ce qui fait qu’on finit par être devant car à ce niveau de compétition, le moindre petit détail compte.
Quelle est la formule magique pour réussir ?
Quelque chose comme « Je suis bon nulle part, mais je ne suis pas mauvais non plus » (rires). Pour l’ebike, il faut être polyvalent, aussi à l’aise en montée qu’en descente, et être capable de s’engager physiquement. Ce n’est pas une question de gestion directe de la batterie, mais il faut prendre en compte des détails comme la gestion de la chaleur et d’autres petits détails que tu n’as pas à gérer en vélo musculaire. J’ai commencé par la moto, puis le trial, et j’ai aussi essayé la route et le XC… au début, j’étais mauvais partout. Ensuite, en enduro, pareil, mais avec le temps et en combinant toutes ces expériences, j’ai trouvé avec le VTTAE la discipline qui me correspond.
Comment voyez-vous la suite de votre carrière après la compétition ? Pensez-vous davantage à un rôle dans le développement de produits ou à autre chose, comme partager votre expérience auprès des jeunes pilotes ou vous consacrer à un projet à long terme ?
Je commence à anticiper l’avenir, car ça va vite. Après tout, j’ai déjà fait six championnats du monde, ce n’est pas rien. Je cherche à avoir une base plus stable qu’une carrière de pilote pro, même si c’est génial. La stabilité est essentielle, surtout quand on a une famille. Le développement de produits, c’est un terme large. Certains pensent qu’avoir testé un vélo quelques semaines avant sa sortie, c’est du développement. On entend un peu de tout à ce sujet. Pour ma part, ce qui me plaît, c’est vraiment le côté test et retour terrain. Je travaille avec Michelin et Lapierre sur ces aspects depuis un certain temps. J’adore l’univers du vélo et je souhaite continuer à rouler longtemps, mais sans la pression des résultats.
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